Qu'est-ce que l'anarchisme ?



La spécificité de l'anarchisme

Les anarchistes veulent l'éclosion d'une société d'hommes libres et égaux :
  • Socialistes, ils sont pour la possession collective des moyens de production et de distribution.
  • Libertaires, ils pensent que l'Homme ne peut être libre que dans une société d'hommes vraiment libres, et que la liberté de chacun n'est pas limitée mais confirmée par celle des autres. La liberté, tout comme l'égalité, telle que la conçoivent les libertaires, n'a cependant rien d'abstrait mais vise une liberté et une égalité " concrète ", c'est-à-dire sociales, fondées sur la reconnaissance égale et réciproque de la liberté de tous.
    Pour réaliser un tel état social, le seul qui puisse réellement supprimer toute forme d'exploitation et de privilège, les anarchistes pensent qu'il est indispensable non seulement d'exploitation économique, mais aussi toute forme de domination politique à caractère étatique ou gouvernemental.
    Pour les anarchistes, tout gouvernement, tout pouvoir étatique, quels que soient leur composition, leur origine et leur légitimité, rendent possible matériellement la domination et l'exploitation d'une partie de la société par l'autre. Comme l'a montré Proudhon, l'état n'est qu'un parasite de la société que l'organisation libre des producteurs et des consommateurs doit et peut rendre inutile. Sur ce point précis, les conceptions les conceptions anarchistes sont tout aussi éloignées des positions libérales -qui font de l'état l'arbitre nécessaire pour assurer la paix civile- que des conceptions marxistes léninistes - qui croient pouvoir utiliser le pouvoir politique et dictatorial d'un état " ouvrier " pour pouvoir supprimer les antagonismes de classe. Depuis 1917 en Russie, et par la suite dans d'autres pays de l'est notamment, l'échec des tentatives pour réaliser le socialisme par l'usage de la dictature est manifeste et prouve, outre mesure, la justesse des critiques libertaires en la matière.
    L'utilisation de la dictature, fut-elle baptisée prolétarienne, a partout accouché, non pas du dépérissement de l'état, mais d'une énorme bureaucratie qui étouffe la vie sociale et la libre initiative individuelle. Et c'est d'ailleurs cette même bureaucratie qui a été jusqu'à aujourd'hui la principale source des inégalités et des privilèges dans ces pays ayant pourtant voulu abolir la propriété privée capitaliste. Comme l'avait déjà souligné Bakounine dans sa polémique avec Marx: " La liberté sans l'égalité est une malsaine fiction (...). L'égalité, sans la liberté, c'est le despotisme de l'état. Et l'état despotique ne pourrait exister un seul jour sans avoir au moins une classe dominante et privilégiée: la bureaucratie. "
    Au mode d'organisation de la vie sociale, gouvernemental et centralisateur, les libertaires opposent un mode d'organisation fédéraliste permettant de remplacer l'état, et tous ses rouages administratifs, par la prise en charge collective des intéressés eux-mêmes de toutes les fonctions inhérentes à la vie sociale qui se trouvent, actuellement monopolisées et gérées par des organismes étatiques, placés au-dessus de la société.
    Le fédéralisme, en tant que mode d'organisation, constitue le point de référence central de l'anarchisme, le fondement et la méthode sur lesquels le socialisme libertaire se construit. Précisons néanmoins que le fédéralisme ainsi entendu n'a que très peu de liens avec les formes connues du fédéralisme politique pratiqué par bon nombre d'états actuels. Il ne s'agit pas, en effet, dans l'esprit des libertaires, d'une simple technique de gouvernement, mais d'un principe d'organisation sociale à part entière, englobant tous les aspects de la vie d'une société humaine. Soit le fédéralisme est intégral, soit il n'est pas.
    La pensée anarchiste est donc bien loin de nier le problème de la nécessité de l'organisation, mais se fixe comme objectif une autre manière de s'organiser qui assure l'autonomie de ses composantes tout en répondant aux impératifs collectifs.
    A la base, le fédéralisme repose sur l'autonomie des ateliers et des industries aussi bien que des communes. Les uns et les autres s'associent pour se garantir mutuellement et pour pourvoir aux besoins collectifs et individuels. Ainsi, si l'autogestion dans l'entreprise rend possible le remplacement du salariat par la réalisation du travail associé; l'organisation fédérative des producteurs, des communes, des régions permet le remplacement de l'état.
    Le fondement d'une telle organisation est le contrat, égal et réciproque, volontaire, non pas " théorique " mais effectif, pouvant se modifier par la volonté des contractants (associations de producteurs et de consommateurs) et reconnaissant le droit d'initiative de toutes les composantes de la société.
    Ainsi défini, le contrat fédératif permet de préciser aussi les droits et les devoirs de chacun et de dégager les principes d'un véritable droit social en mesure de réglementer les éventuels conflits entre individus, groupes ou collectivités, voire entre régions, sans pour autant remettre en cause l'autonomie de ses composantes, ce qui permet à l'organisation fédéraliste de s'opposer tant au centralisme qu'au laisser-aller de l'individualisme libéral.
    Certes, une telle organisation ne peut prétendre supprimer tous les conflits et nous pensons qu'il est important de souligner comment les conflits peuvent se produire à n'importe quel niveau de la société fédéraliste. Le fédéralisme doit être envisagé non pas comme une croyance religieuse de plus ou la promesse d'une société parfaite, mais comme une conception sociale dynamique, ouverte, offrant un cadre pouvant se modifier dans le temps. Ce n'est pas un rêve de plus, mais une manière de résoudre les questions sociales au mieux, c'est-à-dire dans le respect de la plus grande liberté de chacun sans faire appel à des instances d'arbitrage gouvernementales, sources certaines de nouveaux privilèges.